Il y a un juste milieu entre la prévoyante fourmi et l’oisive cigale de la fable de La Fontaine. Pour le trouver, il suffit de déterminer son budget familial, puis de le gérer avec régularité. Tout est question d’équilibre : entre ressources et dépenses, entre prudence et plaisir.

La maîtrise budgétaire ne doit pas être considérée comme quelque chose qui bride, mais qui libère », souligne Jean-Louis Kiehl, président de la fédération française des associations Crésus(1), partenaires du C.G.O.S. « Il est plus agréable d’aller sereinement en famille au cinéma en se disant que l’on peut s’offrir ces deux heures d’évasion, plutôt que la peur au ventre, en se demandant si l’on va pouvoir boucler la fin du mois », remarque-t-il. La tranquillité d’esprit n’a pas de prix ! Se réapproprier son budget est d’autant plus essentiel dans notre société de consommation à outrance. « Aujourd’hui, les consommateurs sont davantage sollicités via la publicité et dans les magasins. Aussi sont-ils de plus en plus tentés d’acheter, par exemple, le dernier smartphone », observe Pascale Micoleau-Marcel, déléguée générale de l’association La finance pour tous(2). Comment résister aux sirènes du consumérisme ? « En s’interrogeant sur notre façon de consommer, estime cette experte. De nombreux particuliers choisissent judicieusement les systèmes permettant de réduire sensiblement la note, tels les achats de biens d’occasion. Il s’agit aussi de se poser les bonnes questions : ai-je vraiment besoin d’une télévision plus performante ou n’est-ce qu’un gadget ? » Sans oublier quelques astuces, comme comparer les prix et dresser la liste des produits dont on a réellement besoin avant de faire ses courses pour se prémunir contre tout achat compulsif.

Savoir dire « non » à ses enfants

De même, comment dire « non » à ses enfants qui subissent eux aussi la pression de la société de surconsommation ? « Les parents doivent leur expliquer qu’ils ne peuvent pas tout acheter et que c’est mieux de continuer à rêver d’un produit qu’on mettra des mois à pouvoir s’offrir, plutôt que d’avoir tout, tout de suite, sans plaisir. » Ces conseils de Pascale Micoleau-Marcel font écho à ceux de Jean-Louis Kiehl : « Il faut éduquer ses enfants. Dès l’âge de 7 ans, ils peuvent comprendre que derrière le distributeur automatique, il y a un compte en banque géré par les parents. » Dans ce souci pédagogique, la fédération française des associations Crésus a lancé l’application « Dilemme Junior ». Précisions du président : « Les enfants ont un budget pour préparer leur anniversaire. Au fur et à mesure de leurs choix (achat d’un gâteau, location d’une salle, etc.), leur tirelire se vide. Et au final, ils se rendent compte que ce n’est pas parce qu’ils ont dépensé plus d’argent qu’ils ont plus d’amis. »

“Dès l’âge de 7 ans, les enfants peuvent comprendre que, derrière le distributeur automatique, il y a un compte en banque géré par les parents.” Jean-Louis Kiehl

À cette société de consommation, s’ajoute une autre difficulté, celle de la virtualité des moyens de paiement. Quasi-disparition du chèque, renforcement de l’utilisation de la carte bancaire et du débit différé, arrivée du paiement sans contact : pas facile de s’y retrouver quand on est ainsi éloigné de la réalité économique et de celle de son portefeuille. Face à cette dématérialisation, Pascale Micoleau-Marcel recommande de bien noter ses dépenses, de suivre son compte bancaire et de réviser régulièrement son budget. « C’est devenu bien plus facile avec Internet et les applications bancaires », constate-t-elle. Autres conseils : conserver une trace écrite des opérations de paiement initiées sans contact ou en ligne pour les vérifier ensuite sur son compte bancaire. Enfin, pour prévenir toute mauvaise surprise, privilégier le débit immédiat, voire, souscrire une carte bancaire à autorisation systématique, qui évite les dépassements.

Suivre et anticiper ses dépenses

Pour bien gérer un budget familial, la principale méthode consiste à établir un budget prévisionnel. Rassurez-vous : il ne s’agit pas d’établir un budget comptable comme une entreprise, mais d’évaluer simplement les dépenses du ménage. Au premier rang, on trouve les dépenses fixes, c’est-à-dire les sommes qui sont prélevées tous les mois : loyer ou emprunt logement, charges, impôts, crédits à rembourser, etc. En deuxième position, viennent les dépenses variables courantes : nourriture, transport, électricité, produits d’hygiène, soins, assurances, forfaits de téléphone, etc. On fait la somme de ces dépenses sur l’année passée, puis on soustrait le total à ses revenus annuels. Enfin, on divise ce montant par douze pour obtenir le budget mensuel disponible. Celui-ci peut être utilisé pour les dépenses occasionnelles ou reportables : vêtements, loisirs, restaurants, vacances, etc. Histoire de se faire plaisir. Une fois le budget prévisionnel évalué, il est important de contrôler régulièrement ses dépenses et de s’assurer de disposer des ressources nécessaires avant tout nouvel achat. Notons que réaliser son budget permet souvent de lutter contre le gaspillage. On prend par exemple conscience qu’il faut supprimer deux assurances qui couvrent les mêmes besoins ou qu’il est temps de réaliser des économies d’énergie en mettant son chauffage à 19 degrés, comme le préconise l’Ademe.

"Aujourd'hui, les consommateurs sont davantage sollicités via la publicité et dans les magasins." Pascale Micoleau-Marcel

Concernant l’épargne, mettre de l’argent de côté est envisageable si le budget mensuel dégage un montant créditeur suffisant. L’épargne de précaution permettra de faire face à une dépense imprévue et d’éviter d’avoir recours aux crédits à la consommation, dont les taux d’intérêt sont très élevés. L’accumulation de ces crédits risque même de mettre en péril la situation économique d’un foyer qui peut se retrouver surendetté. L’association La finance pour tous met cependant en garde contre les offres d’épargne automatique : lorsque, tous les mois, une somme est systématiquement virée du compte bancaire sur un compte d’épargne. Ce mécanisme peut en effet mettre le solde du compte bancaire en position débitrice et entraîner des agios, voire des commissions d’intervention.

Des réponses simples et concrètes

Ceux qui souhaitent se faire accompagner dans la gestion de leur budget contacteront les associations de consommateurs UFC-Que Choisir et l’Institut national de la consommation, éditeur du magazine 60 millions de consommateurs. Ils trouveront également des informations sur le site Mesquestionsdargent.fr. Mis en ligne en janvier dernier par la Banque de France, ce portail s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale d’éducation financière lancée par le ministère de l’Économie. « En tant que chef ­d’orchestre de cette stratégie, explique Stéphane Tourte, directeur des particuliers de la Banque de France, l’institution a souhaité créer un outil de référence pour que le grand public consolide ses connaissances économiques, financières et budgétaires. Chacun peut y trouver, en quelques clics, des réponses simples et concrètes, grâce, notamment, à une sélection de sites réputés pour leur sérieux et leur sens de la pédagogie. L’enjeu est de permettre aux ménages de mieux comprendre pour mieux décider et réagir au plus tôt en cas de difficultés. » Les personnes qui affrontent une situation financière difficile se feront épauler par un centre social d’action communal (CCAS), un conseiller en économie sociale et familiale (CESF) ou encore un Point Conseil Budget. Autre précieux soutien : Crésus, partenaire du C.G.O.S. Créée en 1992 en Alsace, cette association s’est développée dans 14 régions de l’Hexagone avec pour mission de détecter le surendettement, le prévenir et faire de l’éducation. Selon Crésus, le surendettement ne doit en effet pas être une fatalité.

(1) Chambres régionales du surendettement social.

(2) lafinancepourtous.com est édité par l’Institut pour l’éducation financière du public (IEFP), association d’intérêt général, éligible au mécénat et agréée par le ministère de l’Éducation nationale.