Pour aider les victimes de violences conjugales et faciliter le dépôt de plainte, le CHU de Clermont-Ferrand a mis en place un dispositif de pré-plainte. Les victimes qui se rendent aux urgences sont accompagnées dans cette démarche.

Permettre aux victimes de violences conjugales de déposer une pré-plainte dès leur passage aux urgences, c’est l’initiative mise en place au CHU de Clermont-Ferrand. Après neuf mois d’expérimentation, l’établissement vient d’officialiser la démarche par la signature d’une convention avec les services de police et de justice.

« Le but, c'est de faciliter le dépôt de plainte. Combien d’entre nous ont déjà voulu déposer plainte pour un vol de vélo, et ont fait demi-tour dans la file d’attente ? Il faut que le côté logistique ne soit pas une difficulté de plus pour les victimes de violences conjugales. Il faut qu’elles soient accompagnées », explique le Dr Charlotte Ayzac, médecin urgentiste qui a participé à la mise en place de ce dispositif.

Après avoir rempli un formulaire et déposé une pré-plainte à l’hôpital, la victime sera convoquée par les forces de l’ordre pour que la plainte soit enregistrée. « Elle aura une convocation à un rendez-vous. Cela signifie qu’elle peut prétexter un rendez-vous médical après son passage aux urgences pour sortir de chez elle par exemple. Et puis, elle sera normalement reçue par un gendarme ou un policier chevronné, qui sait pourquoi elle vient et qui l’accompagnera dans sa démarche », ajoute le Dr Ayzac.

68 pré-plaintes déposées en moins d’un an

Lorsque l’état de santé de la victime le nécessite, les forces de police peuvent se rendre directement à l’hôpital pour prendre la plainte. Le protocole prévoit aussi, que dans certains cas,  les services de santé puissent faire un signalement si la victime ne souhaite pas porter plainte. « Ces signalements sont possibles pour des personnes vulnérables, handicapées ou mineures, ou lorsqu’il y a péril imminent pour la victime », précise le Dr Charlotte Ayzac.

Depuis le lancement de l’expérimentation en mars 2021, 68 pré-plaintes ont été déposées aux urgences du CHU de Clermont-Ferrand. « Ce qui est terrible, c’est que nous sommes sûrs que seule une victime sur deux ou trois accepte de déposer cette pré-plainte. Les autres refusent, ou nient être victimes de violences, regrette l’urgentiste. Il est vrai que la plainte ne résout pas tout. Il y a les enfants, la dépendance économique, affective. Et ce n’est pas parce qu’il y a une plainte que le conjoint violent va disparaître. Mais ce dispositif de pré-plainte est une main tendue pour aider les victimes qui sont décidées à porter plainte. »

 Pour encourager la libération de la parole sur ce sujet souvent tabou, une campagne de sensibilisation à destination des patients mais aussi des soignants a été mise en place au CHU. « Il y a beaucoup plus de victimes de violences conjugales qu’on ne le croit. Il est essentiel pour les soignants d’oser poser la question. Au même titre qu’on demande à un patient « Vous buvez ? », « Vous fumez ? », il faut aussi demander « Vous êtes victime de violences ? ». Cela doit faire partie des questions à poser en consultation. Et quand on demande, on est souvent surpris de la facilité avec laquelle la réponse est donnée », assure le Dr Charlotte Ayzac.

Des affiches et un livret d’information sur les réponses à apporter en cas de violences conjugales ont été éditées par le CHU. « Aux urgences, nous voyons beaucoup de victimes qui viennent après des coups ou qui ont eu peur et veulent porter plainte. Mais le sujet peut surgir à n’importe quel moment, dans une conversation avec un soignant, quand la victime est en confiance. Il faut que tous les soignants soient prêts, qu’ils osent poser la question et qu’ils sachent comment répondre », martèle le Dr Ayzac. En 2020, au CHU de Clermont-Ferrand, 21% des consultations du service de victimologie adultes étaient en lien avec des violences conjugales.