Le centre spécialisé en santé mentale de Thuir, en Occitanie, est le seul établissement hospitalier en France lauréat du label « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

Le constat est implacable. À l’hôpital Jean Grégory de Thuir, le salaire moyen des femmes est inférieur (-10 %) à celui des hommes. Les femmes accèdent moins à la formation, aux postes à responsabilités. Aucun homme n’a pris de congé parental en 2017, et 90 % des congés pour enfant malade sont posés par les mères. Loin d’une simple liste à la Prévert, ces écarts témoignent d’une inégale parité à l’hôpital. Ils reflètent aussi les discriminations qui pénalisent les femmes dans la société.

Des postes adaptés aux femmes enceintes

Face à ce constat, le centre psychiatrique multiplie depuis cinq ans les initiatives en faveur de l’égalité professionnelle. « La première étape a consisté à évaluer concrètement les inégalités. La prise de conscience est la condition nécessaire au changement », explique Sophie Barre, Directrice adjointe et référente Égalité.

Parmi les actions mises en œuvre figurent des aménagements pour les femmes enceintes. Le but ? Éviter de mettre leur carrière entre parenthèses. « Nous leur proposons de quitter temporairement un poste pénible ou exposé le temps de leur grossesse. Elles choisissent une mission correspondant à leur profil ou une structure plus proche de chez elles », décrypte Sophie Barre.

Vanessa Prando, aide-soignante dans une unité d’adultes autistes, a bénéficié de ce dispositif. « Des situations au contact des patients peuvent être violentes. J’ai donc rejoint le service Qualité après quatre mois de grossesse. Cet aménagement m’a permis de découvrir une autre facette de l’hôpital. J’ai apporté mon expérience de terrain tout en travaillant sereinement jusqu’à mon congé maternité », témoigne l’aide-soignante, qui regrette malgré tout que la parole sur l’égalité peine à se libérer dans les couloirs de l’hôpital. « Beaucoup de choses ont avancé dans le bon sens, mais il reste du chemin à parcourir », confirme Sophie Barre.

Plafond de verre

Autre chantier : la mobilité professionnelle des femmes et l’accession à des postes à responsabilités. Pour la troisième année consécutive, l’établissement a organisé un « speed dating » de mentoring le 8 novembre dernier. Le principe est simple : cinq mentors venant du champ de la santé rencontrent des agents de l’hôpital en quête d’un nouvel élan professionnel. Par exemple, une ASH qui se verrait bien infirmière ou une adjointe aux ressources humaines qui vise davantage de responsabilités. Toutes les sept minutes, le coaché change de coach, avant de choisir celui qui l’accompagnera pendant plusieurs mois. Anne-Lise Cafafa, cadre de santé, a participé – avec succès – à l’édition 2017 du speed dating. « Le mentor a porté un regard extérieur sur mes compétences, mon CV, mes aspirations. Il partage son expérience, ouvre son réseau, aide à préparer les entretiens. Ensemble, nous avons construit un parcours vers ma réorientation professionnelle. » Ce dispositif de mentoring est unique dans les hôpitaux en France. « L’objectif est de casser le plafond de verre qui freine les ambitions des certaines femmes », martèle Sophie Barre.

La santé, prochain cheval de bataille

Les efforts de l’hôpital de Thuir, qui emploie plus de 1 100 professionnels, ont porté leurs fruits. Le 8 novembre, à l’occasion de la 6e journée d’échanges sur l’égalité professionnelle organisée par l’hôpital, celui-ci a reçu le label Afnor « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Une première en France pour un hôpital. « Il est difficile d’expliquer pourquoi les hôpitaux ne s’engagent pas dans cette démarche, reconnaît Sophie Barre. Ce n’est pas une question de financement, la lutte pour l’égalité professionnelle demande de l’organisation, de la volonté et des idées. »

Fort de son label, l’établissement ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Les nouvelles initiatives devraient porter sur la santé. « Les femmes sont surreprésentées dans les arrêts de travail. Et je ne crois pas qu’il s’agisse d’un hasard », conclut Sophie Barre.