Bernard Dorland, coordonnateur de soins : comment les hôpitaux gèrent-ils la crise du Covid-19 ?

Pour répondre aux besoins spécifiques liés à la crise sanitaire actuelle, les coordonnateurs des soins sont en première ligne au cœur des hôpitaux. Entretien avec Bernard Dorland, coordonnateur général des soins du Groupement hospitalier de territoire (GHT) Grand Paris Nord-est.

 

 Quel est le rôle d’un coordonnateur des soins en « temps normal » ?

Le coordonnateur des soins est celui qui organise tout ce qui concoure à la prise en charge du patient : recrutement du personnel, remplacement, etc. Au sein de l’hôpital, il assure l’autorité hiérarchique et fonctionnelle sur l’ensemble des personnels soignants et paramédicaux. Il est accompagné par des cadres supérieurs de santé, qui pilotent des pôles répartis suivant des spécialités : médecine, chirurgie, maternité... Plus globalement, le coordonnateur des soins met en œuvre les activités de soins en phase avec les besoins. Il organise le travail du personnel requis et le déploiement du matériel adéquat en fonction du nombre de patients à prendre en charge. Il a un rôle stratégique en tant que membre de l’équipe de direction, et il est garant de la sécurité et de la qualité des soins à travers un projets de soins relatif à l’accompagnement qualitatif de la prise en charge des patients (éducation thérapeutique, accueil du patient …).

 Comment la crise sanitaire a impacté vos missions ?

Au début de la crise, le plan blanc a été déclenché. En quelques jours, il a fallu nous adapter aux besoins très spécifiques liés à un afflux massif de patients. Sur les trois hôpitaux du GHT Grand Paris Nord-est (hôpitaux d’Aulnay, de Montfermeil et de Montreuil), nous avons transformé plus de 50 % de nos lits en lits Covid. Au pic de la crise, entre le 28 mars et le 1er avril, nous totalisions plus de 600 lits Covid au sein du GHT, avec des moyens humains plus importants, en lien avec la fragilité de ces patients. À Aulnay, nous avons fermé l’ensemble de nos services de chirurgie, sauf la chirurgie d’urgence, et transformé nos 10 salles de blocs opératoires en chambres de réanimation. Tous les jours, une cellule de crise s’est tenue avec l’équipe de direction pour évaluer les problèmes et modifier les parcours de patients. Et tous les trois jours, des cellules de crise se sont organisées avec les cadres et les médecins. L’équipe des hygiénistes, sur le pont depuis le début, a adapté les protocoles et accompagné les équipes. Pendant cette période l’absentéisme a été plus fort car certains personnels soignants sont atteints du Covid, d’autres n’ont pas trouvé de solution pour la garde de leurs enfants… Certains jours, au plus fort de la crise, sur le seul hôpital d’Aulnay, il nous a fallu trouver 90 personnes pour faire face à cette situation et au besoin de renforcer les équipes. Tout le monde a joué le jeu. Des étudiants infirmiers sont venus épauler nos aides-soignants. Certains médecins d’autres spécialités sont venus prêter main forte en réanimation. Les infirmiers et aides-soignants ont accepté de changer d’unité au gré des besoins et des ouvertures de lit Covid. Sans oublier les auxiliaires de puériculture, également venus en renfort.

Avez-vous constaté une plus grande solidarité ?

Oui, bien sûr, les équipes sont restées très soudées. Et nous avons essayé de les accompagner au mieux. Par exemple, nous avons mis en place une cellule de soutien psychologique en interne, mais nous avons aussi diffusé largement les coordonnées des plateformes d’écoute proposées par des mutuelles hospitalières pour leur permettre de se confier de manière anonyme. Le regard porté par la société civile sur les soignants est très réconfortant et encourageant.

Nous avons bénéficié d’une solidarité collective au-delà même des murs de l’hôpital. Nous avons reçu de nombreux dons alimentaires, des boulangers nous ont apporté du pain tous les jours… A Aulnay, deux séries sont tournées dans nos locaux, Hippocrate et H 24. Les équipes de tournage ont remis à notre disposition du matériel : brancard, lit à perfusion… Des grandes maisons de couture ont également fait tisser pour nos soignants plus de 9 000 sur blouses en coton en quelques jours… C’est une mobilisation sans précédent.