« Une course contre la montre »

Marjory Berns, 36 ans, coordinatrice d'essais cliniques aux hôpitaux universitaires (HU) de Strasbourg (Bas-Rhin), soit dans une des régions les plus touchées par la crise liée au Covid-19, témoigne de la pression qui pèse toujours sur les médecins et la recherche pour trouver le bon traitement.

Quand on demande à Marjory Berns, coordinatrice d'essais cliniques aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, rattachée au service de réanimation, si elle se souvient quand et comment le Covid-19 est entré dans sa vie, elle répond par un grand « Oh que oui ! ». « Fin janvier, on a commencé à entendre parler du virus apparu en Chine. Nous étions en alerte sans toutefois imaginer que l'on allait être autant impactés. En février, le virus s'est brutalement rapproché en commençant à faire des victimes à Mulhouse, donc tout près de Strasbourg. Et puis, tout s'est accéléré, la tension est montée d'un cran. Nous avons nous aussi accueilli des premiers malades. Du jour au lendemain, les soignants que je vais régulièrement visiter dans le service de réanimation ont adopté des tenues spéciales et ont multiplié les règles de décontamination. Nous avions bel et bien basculé dans la crise Covid. Je suis moi-même passée en télétravail pour des raisons de sécurité », retrace-t-elle.

Réactivité et investissement

A partir de ce moment-là, la crise sanitaire s'est traduite pour Marjory Berns par un flux sans fin de dossiers de malades à analyser avec des données à actualiser toutes les vingt-quatre heures. « Nous ne connaissons pas le même stress que les soignants mais en recherche, nous devons faire preuve de beaucoup de rigueur et de réactivité », précise-t-elle. Un tel flux qu'il n'est plus question de compter ses heures, de week-end ou encore de jour de repos. « J'ai mis de côté les recherches qui étaient en cours pour me consacrer totalement, comme nombre d'agents du monde hospitalier, à la lutte contre le Covid et tenter de faire avancer la recherche au plus vite », précise-t-elle. Elle participe ainsi à l'essai clinique européen Discovery et à l'étude Corimuno-19, lancée par l'AP-HP, tous deux destinés à trouver un traitement efficace contre le virus. Au plus intense de la crise, le moral de Marjory Berns a connu des bas, « surtout à l'annonce des décès, quand toute une équipe de réanimation s'est battue autour d'un patient jour après jour, quand on a sous les yeux des dossiers à l'issue bouleversante ». Heureusement, même en travaillant de chez elle, elle a continué à se sentir en lien avec l'hôpital grâce à des soignants, qui, même en étant débordés, ont toujours trouvé le temps de répondre à ses questions pour l'aider à avancer dans les recherches. Aujourd'hui, l'étau s'est un peu desserré même si la crainte d'une seconde vague de contaminations laisse l'avenir incertain. Faisant le bilan de cette expérience inédite et intense, Marjory Berns estime qu'elle « l'a confortée dans l'idée d'être bien à sa place en recherche clinique » tout en ayant conscience que cet investissement reste le plus souvent dans l'ombre.